Un cri, encore un. Une complainte déchirant le voile trouble du silence, vouée à s'envoler dans l'oubli. Personne n'est là pour l'entendre, si ce n'est ses tortionnaires. Personne pour prendre en considération sa souffrance car les petits soins de Roxane, ils s'en fichent. Ils n'ont qu'un seul mot suspendu à leurs lèvres, un seul mot occupe leurs esprits dérangés et fourbes : vengeance. A trop jouer avec le feu il n'est pas rare de se brûler les ailes. N'est-ce pas?

— Inutile de résister, tu sais. Tu vas te fatiguer bien avant nous. Dis-nous ce qu'on veut savoir et tu auras droit à une mort rapide. C'est promis.

— Je me sens chanceuse... murmure Roxane d'une voix rauque, usée par la fatigue et les hurlements.

Une poigne ferme attrape ses cheveux et tire avec force sa tête vers l'arrière. La pression exercée sur son cuir chevelu lui arrache un nouveau cri qu'elle tente malgré tout d'étouffer en serrant les dents. Son regard orienté vers le plafond, elle est incapable de voir ses bourreaux. Par contre, elle sent une lame froide et tranchante se promener le long de son cou. Menace muette.

— Oh oui... tu vas l'être... souffle une voix féminine à son oreille.

Marceline, le cerveau de la troupe. Démone aux atouts aussi ravageurs que son esprit machiavéliquement dérangé.

— Je te réserve une surprise. Je suis certaine que tu vas aimer.

La démone relâche son emprise sur les tifs de Roxane, retirant par la même occasion le couteau côtoyant de trop près sa gorge.

— Hugo, détache-là, on bouge.


Marceline s'attarde quelques secondes, savourant le spectacle qui s'offre à elle. Une Roxane fatiguée, usée jusqu'à l'os et blessée de toute part. Un sourire diabolique s'esquisse sur ses lèvres alors qu'elle quitte la pièce. L'humaine est bien incapable de définir le temps écoulé mais elle est affaiblie d'avoir crié et de s'être débattue.
Roxane examine encore une fois l'environnement dans lequel elle se situe. Un endroit étroit, presque vide. Sur une table calée contre le mur se trouve plusieurs "jouets" qui ont eu pour but de la faire parler et à côté, une caisse remplie d'eau. Un frisson d'horreur l'envahi aussitôt en repensant à certains traitements.

Hugo, bras droit un peu idiot et macho de la démone approche avec une dague en main. Un peu inquiète quant à ses intentions, elle tente une nouvelle fois de défaire ses liens. En vain. Cependant, contrairement aux autres fois, il n'est pas venu pour lacérer sa peau mais pour la libérer. Il commence par détacher ses pieds.

— Je te préviens, si tu tente quoi que ce soit, je te tue.

Un rictus déforme ses lippes. Ils ont prévu de la descendre dans tout les cas. Donc bon... la blonde ne perd pas une seconde. Une fois libérée de toute ses entraves elle amorce les premiers coups. Le problème est qu'elle a perdu en force et en précision. Hugo n'a aucune difficulté à parer ses coups et à l'immobiliser. Dans un dernier élan, poussée par la partie primaire profondément enfouie en elle, Roxane parvient à planter ses dents dans le cou de son tortionnaire. Il se débat et même si il parvient à la pousser c'est trop tard. Roxane lui a arraché un morceau de chair qu'elle recrache avec dégoût. Le sang qu'elle a parvenu à ingurgité, bien qu'en faible quantité, lui donne un faible regain d'énergie. Suffisant pour s'attaquer à Hugo. Elle esquive de justesse une attaque, attrapant au passage son poing armé d'une dague. Roxane, à l'aide d'une prise sophistiquée, parvient à lui casser le bras. Il hurle et relâche sa dague. Vite. Elle sait qu'elle doit agir rapidement. Alors elle récupère la dague qu'elle dissimule dans sa botte en cuir et fouille l'homme à l'agonie. Elle récupère l'arme à feu qu'il avait sous sa veste.

Arme en poing, ignorant totalement son corps qui hurle à la mort, elle s'élance avec vélocité sur le ponton de bois. Elle marque un temps d'arrêt en apercevant les hommes de main de la démone se dressant juste en face d'elle. Elle prie pour que l'arme soit chargée et retire le cran de sûreté avant de viser la bande d'idiots. Le premier coup retentit. Puis plusieurs détonnent à travers l'obscurité. Par chance elle évite plusieurs projectiles mais un cri franchit la barrière de ses lèvres lorsqu'une des balles effleure méchamment son bras. Elle jure mais fonce droit sur eux. Fichue pour fichue...  elle rentre dans le tas. La plupart sont pris de court et vacillent. Certains tombent même à l'eau. Sans se retourner elle poursuit sa course, désireuse de mettre le plus de distance possible.

L'adrénaline l'aide à tenir debout mais ses muscles agonisent. Ses poumons s'embrasent et sa vision devient de plus en plus flou. Roxane tente malgré tout d'accélérer mais elle est à bout de force. Elle ne va pas pouvoir résister indéfiniment. Par chance elle aperçoit enfin une voiture garée. Pareil à une mouche qui s'écrase comme une vitre, elle s'écrase contre la porte côté passager avant de l'ouvrir et de s'engouffrer à l'intérieur du véhicule.

— Un conseil... Démarre... et vite!! ordonne avec impatience Roxane malgré qu'elle soit au bord de défaillir.

Quand il avait demandé à Roxane de l'amener avec elle sur le terrain, il pensait plutôt à quelque chose de simple. Un entrainement face à un vampire ou qu'il traine derrière alors qu'elle lui montrait des coups, servant surtout à la soigner si on lui cassait la gueule. Il s'était même fait un scénario dans lequel il sauvait son amie d'un vampire, au dernier moment, alors que le suceur de sang allait...bah, lui sucer le sang. Les cendres se seraient envolées pile au bon moment pour qu'elle le voit, là, pieu en main, tout sourire. Elle aurait été fier de lui, et lui d'elle, ils auraient terminé le tout autour d'un verre, alors qu'elle lui chantait ses louanges. C'était un plan infaillible qui lui aurait prouvé qu'il méritait de se faire entrainer - parce qu'il n'avait toujours pas eu le courage de lui demander de le faire. Il avait même enfilé une veste laissé chez lui par Anastasia, avant qu'elle ne revienne des morts pour brûler sa boutique. C'est un objet qui lui donnait de la force, comme si la Russe était là pour la lui prêter pour s'assurer qu'il ne crèverait pas. Et c'était aussi plus pratique que les vêtements longs et bouffants qu'il portait normalement. Il avait même un pieu sur lui. Il était prêt pour le combat, prêt pour se battre, faire preuve de courage!

Sauf qu'il est assis là, cul sur la siège de la voiture, siège conducteur - voiture qu'il avait pu demander à Basile. C'était son point de rendez-vous avec la blonde et il ne pouvait pas quitter son poste. Mais il s'emmerdait, au point qu'il devait se divertir avec Angry Birds; ouais, il avait atteint le fond, fallait dire.

Il se rend compte qu'attendre, c'est vachement chiant. Yue se qualifierait de quelqu'un de patient. Sauf que d'attendre là, sur le camp ennemi, vulnérable, ça à le don de lui foutre les chocottes. Il regrette un peu sa décision, c'est sur. Sauf que, malgré la façon hyper vague avec laquelle Roxane lui a étalé la situation, il sait qu'elle aura besoin de lui et pas seulement en tant que chauffeur. En tant que guérisseur, surtout. Il avait d'ailleurs jeté son nécéssaire de soins sur la banquette arrière. Filtres, tomes magiques et autres babioles remplissaient son sac - on était jamais trop prudent, sur la bouche de l'enfer.

Alors qu'il arrive à battre son dernier score - parce que ces putains d'oiseaux font chier, parfois - il sursaute, son téléphone se retrouvant sur sa cuisse, puis sur le côté de son siège. Chiant, mais il y a plus important à ses yeux. Roxane entre dans la voiture - piteux état et mauvaise attitude la suivant - et elle lui ordonne de conduire.

"À tes ordres, Carrie White."

Il appuie sur le gaz et la voiture démarre, laissant rapidement leur point de rendez-vous, leur entourage un simple décor brouillé par la vitesse. Yue ne conduit normalement pas aussi rapidement - quand il conduit, du moins - mais il doit admettre que le feeling de l'adrénaline, c'est vachement cool.

"Tu peux m'expliquer ce qui se passe exactement pour qu'on se la joue fast and furious ?"

Elle ne lui avait rien dit, après tout mais il risquait sa vie, et son permis, pour ses miches. Autant qu'elle balance tout, non ? Parce que, même si c'était top secret, il risquerait de mourir à tout instant.

Le cul à peine posé sur le siège que Roxane se retourne. Un truc cloche, dans cette histoire. Pas un seul coup de feu pendant sa fuite. Pas un seul chien de garde de Marceline pour la poursuivre. L'espace d'un instant, elle croit apercevoir la silhouette de Den sur le quai. La chasseuse secoue la tête et se replace correctement sur son siège. Elle doit halluciner. Que diable ferait-il ici? Yue démarre en trombe et si d'ordinaire, ça l'éclate de se la jouer fast and furious, là, elle est passablement contrariée.

— Carrie White? qu'elle réagit après trois plombes.

Pendant quelques secondes, la blonde ne comprend pas la référence du guérisseur. Pourquoi la comparer à cette pauvre jeune fille? Elle ne comprend qu'en se regardant à travers le rétroviseur. Effectivement, elle est tellement recouverte de sang et de plaies que la comparaison se tient, finalement. Roxane lâche un soupir et s'enfonce dans son siège, exténuée.

— Tu peux m'expliquer ce qui se passe exactement pour qu'on se la joue fast and furious ?

Un profond soupir s'extirpe de ses lèvres mais c'est bien un sourire qui finit par apparaître sur son petit minois lorsqu'elle se tourne vers Yue. Roxane réalise que le nippon est présentement en train d'enfreindre la loi, qu'il roule à une allure de dingue et pire que tout, il n'a pas hésité à prendre part à son plan foireux. C'est elle ou le petit Yue commence à level-up? Son amusement n'est toutefois que de courte durée. La douleur est vivace, infâme. Un froid désagréable l'envahit. Elle a besoin de sang.

— Grosso merdo, j'ai laissé les hommes de main de cette petite garce démoniaque m'embarquer afin de récupérer un objet.

Si les choses s'étaient bien passées, Roxane aurait récupéré l'objet en question avant que Marceline ne commence les hostilités. Dans le monde réel... et bien dans le monde réel, Roxane n'a pas échappé à la séance de torture. Pire encore, elle se retrouve bredouille. Ce qui a de quoi la foutre en rogne. La chasseuse se raccroche à cette colère, autant qu'elle le peut. C'est la seule façon pour elle de ne pas se laisser submerger par la douleur. Cependant, elle est bien incapable de maîtriser les frémissements qui parcourt son corps. Un froid de plus en plus intense l'enveloppe.

— Marceline n'avait pas l'artefact sur elle. J'ai fait tout ça pour rien!

Parce que Marceline, c'était le genre de démone insaisissable. Le genre de démone qui ne se déplaçait qu'en de rares occasions. C'était là une chance unique de récupérer cette bague à la con! Sur le marché noir, l'objet vaut des milliers de dollars. Une somme qui n'est pas négligeable! Pour la énième fois, Roxane lâche un soupir. Ce n'était que partie remise.

— Tu peux ralentir, personne ne nous suit.

Malgré la vitesse à laquelle il conduit, le nippon ne ressent pas la peur qu'il ressentirait normalement. Il se serait pissé dessus à l'idée d'enfreindre la loi. De savoir que des démons pourraient les pourchasser, en plus ? Sa pisse aurait eu un upgrade pour devenir une véritable chiasse cataclysmique. Heureusement, l'adrénaline lui met la peur sur glace. Il est concentré, il écoute à la fois la chasseuse et les sons autour de lui. Ses yeux n'ont jamais aussi bien réagit et il pourrait courir un marathon. Il se met à comprendre pourquoi ses amis recherchent autant cette sensation, au combat. Il comprend aussi pourquoi autant de gens deviennent accro à son don d'augmentation; c'est qu'il en redemande presque. Mot clé, presque.

Sauf qu'il manque presque de renverser la voiture quand Roxane lui annonce qu'ils ont tout fait ça pour rien. Il se rattrape, heureusement pour eux - ce serait dommages qu'après toute cette badassitude, ils se crèvent droit dans un mur. Frustration - envers la démon et non son amie - ainsi qu'une pointe de culpabilité se dresse en lui, parce que évidemment, qu'il se sent coupable. S'il l'avait accompagné, à la place de se la jouer monsieur taxi, peut-être qu'ils auraient eu une chance d'avoir ce pourquoi ils étaient là. Son ami n'aurait pas non plus l'apparence d'une femme qui a passé sa soirée dans une râpe à fromage. Rationnellement, il sait pertinemment qu'il aurait été un boulet, pour elle. Ses aptitudes aux combats sont aussi menaçantes qu'un écureuil se battant pour une noisette et encore.

C'est l'adrénaline qui parle. L'envie d'en avoir plus. À ce point-ci, il n'est pas mieux que la chasseuse en plein combat.

"Grosse merde, c'est le cas de le dire." Il ne dit rien concernant le plan complètement idiot de sa partenaire. Se faire prendre par l'ennemi ? Sérieusement ? Et son plan de secours, c'était quoi ? Se laisser tuer et les laisser s'occuper du guérisseur après ? Non, parce que, c'était du génie, vraiment. "Rappèle-moi de demande à quelqu'un d'autre de faire les plans, la prochaine fois." À ce point-ci, il préfèrerait même que ce soit Jefferson, qui les fasse.

Avec la nouvelle information que personne ne les poursuit, Yue écoute la blonde et ralentit pour se mettre sur le bord de la route. Il arrête le moteur et fait signe de la main à la chasseuse de retirer toute pièce de vêtement qui cacherait une blessure; à ce point-ci de leur relation, plus de malaise au niveau de l'intimité. Pour quelqu'un qui n'est aucunement intéressé en son corps, il le connait presque par coeur, de la même manière qu'il connait - ou connaissait, son esprit lui rappèle - celui d'Anastasia. Les cicatrices qui la recouvre, il n'en a jamais parlé. Il avait un pincement à chaque fois qu'il les voyait. Maintenant, ce n'es plus le cas. Ce n'est que des traces d'un passé qu'il n'ose pas visiter. Il n'oserait jamais poser la question. À la place, il s'étire et sort une fiole dans son sac, il le tend ensuite vers la blonde.  

"Bois-le. C'est pour éliminer les poisons de ton corps et, bonus pour une grande fille comme toi, y'a des protéines qui vont te redonner des forces." Fermer des plaies alors que du poison pourrait se retrouver dans ses veines, ce serait dommage quand même. Et douloureux pour la chasseuse. Ses mains se mettent machinalement au travaille, la lueur dorée - couleur signature de ses soins - apparaissant autour d'elles. "Elle t'as pas manqué, en tout cas."

Petit sourire réconfortant pour la blonde, puis, son faciès change. Il est comme hésitant. Cette Marceline, elle mérite qu'on lui fasse subir la même chose. Elle est dangereuse. De la laisser comme ça, ça reviendrait à laisser un flingue chargé dans une cours d'école américaine. Il soupire. Il inspire de nouveau, comme s'il cherchait le courage de dire ce qui lui traversait l'esprit.

Et puis merde, après tout.

"Tu crois que tu te sentirais prête à leur courir après ?" Il change de membre et continue. "Ils doivent pas être si loin et tu seras comme neuve en quelques minutes. On pourrait... on pourrait se les faire, tu crois pas ?"

Le courage qu'il sentait, fortement démesurée par l'adrénaline qu'il ressentait auparavant, sonne faux. Mais, un part de lui à envie de le faire. Pour prouver à Roxane qu'il à ce qu'il faut. Pour se le prouver à lui-même. Pour se montrer qu'il pourrait s'occuper d'Anastasia. Pour que Roxane accepte de l'entrainer, quand il se fera pousser assez de couilles pour pouvoir le lui demander. Heureusement, la lueur dans la voiture ne permet pas à la chasseuse de bien lire ses traits, comme lui ne peut pas bien lire les siens, d'ailleurs.

La voiture qui manque de se renverser, Roxane n'y prête même pas attention. Elle n'est pas en état de chipoter sur ce genre de détails, ni même de charrier Yue sur sa conduite infernale. La chasseuse est concentrée sur son corps qui ne parvient plus à se réchauffer, son envie de sang. L'air de rien, ses claires prunelles se verrouillent sur la gorge du guérisseur. Un coup de canine et l'hémoglobine envahirait sa bouche. Un bonheur éphémère mais salutaire, une pulsion si présente que son corps en frémit d'impatience. Finalement, la blonde se recentre sur la route, tentant de chasser ses envies morbides.

— Rappèle-moi de demande à quelqu'un d'autre de faire les plans, la prochaine fois.

Roxane fronce instantanément les sourcils. Elle s'empêche de le grignoter et voilà ce qu'elle récolte. Pourquoi donc s'embêter à fournir tant d'effort, franchement? Boudeuse, et son orgueil piqué au vif, elle grimace.

— Il était très bien, mon plan.

S'attirer les foudres de la démone, au point qu'elle ai envie d'un petit tête à tête avec Roxane. Profiter de ce tête à tête pour récupérer l'artefact. Prendre la fuite. Un plan en trois étapes, simple à exécuter et rapide à mettre en place. Non, le soucis ne venait pas de son plan mais de l'information erronée qu'on lui a fourni. Marceline n'avait pas l'objet en question sur elle. Alors la chasseuse s'est attardée, elle a attendu jusqu'à la dernière minute dans l'espoir d'en savoir plus. Et finalement... finalement Hugro-pif l'a mise K.O en traitre, ajoutant ainsi la phase "torture obligatoire" dans son plan si bien huilée.

Un coup d'œil dans le rétroviseur et la blonde peut affirmer que personne ne les suit. Bien qu'étrange, Roxane ne va certainement pas s'en plaindre. Le guérisseur s'arrête sur le bord de la route et à la suite de sa demande silencieuse, elle commence à retirer ses vêtements. La pudeur n'est malheureusement pas compatible avec son boulot de chasseuse, et si au départ elle était très mal à l'aise devant Yue, savoir qu'il préférait les hommes a été un soulagement pour Roxane. Bien évidemment, la confiance qu'elle lui accorde joue également, mais ça, elle ne l'avouera pas. Le guérisseur n'a jamais posé de questions sur les cicatrices qui habillent la chasseuse. Il n'a d'ailleurs jamais paru choqué, dégouté, ou trop curieux. C'est sûrement comme ça qu'il a gagné, en grande partie, le respect et l'amitié de Roxane.

— Bois-le. C'est pour éliminer les poisons de ton corps et, bonus pour une grande fille comme toi, y'a des protéines qui vont te redonner des forces.

Sale gosse, Roxane affiche une moue dégoûtée. Les mixtures de Yue sont aussi efficaces que dégueulasses. Il est si doué... pourquoi ne pas se lancer sur des dérivés, du genre "saveur fruit des bois" au lieu de la forcer à boire des trucs qui goûte l'urine de yack. Et non... ne lui demandait pas pourquoi elle sait ce que ça goûte. C'est un épisode de sa vie qu'elle s'évertue à oublier.

Pendant que Yue œuvre à la soigner, la blonde ingurgite la mixture immonde qui, vraiment, manque de retourner son estomac. Une chance qu'elle n'ai rien à régurgiter. Mieux encore, la  douleur procuré par la magie du guérisseur lui permet d'ignorer partiellement le goût immonde qui persiste sur sa langue. Ah... quoi? Vous pensiez que se faire guérir, c'était une partie de plaisir? La bonne blague! La chasseuse serre les dents, elle laisse son esprit vagabonder sur des choses agréables, comme par exemple le sourire de Candace, à sa peau douce, et à son envie de prendre la Tueuse sur le bureau d'Elkan.  

— Elle t'as pas manqué, en tout cas.
— Ouais, je sais. Cette garce est une vraie psychopathe.

Ton nonchalant, une voix égale qui trahit une certaine lassitude. Elle est habituée à se retrouver en charpie, de toute façon. Une fois de plus, une fois de moins... quelle importance? Surtout que la blondinette se sait condamnée. Elle ne sait pas pourquoi, ni comment, mais elle le sent, son corps qui se meurt. Bien que ce soit à petit feu, elle ne peut l'ignorer. Roxane attrape son pantalon en charpie et fouille à l'intérieur. Elle en extirpe une cigarette et un briquet.

— Tu crois que tu te sentirais prête à leur courir après ?

Haussement de sourcils trahissant son incrédulité. D'habitude, il est pressé de rentrer. Pourquoi un tel changement de comportement? Anastasia. Bien évidemment. Roxane repose ses biens sur le côté, sa pause cigarette attendra un peu.

— Ils doivent pas être si loin et tu seras comme neuve en quelques minutes. On pourrait... on pourrait se les faire, tu crois pas ?

Un sourire à la con s'imprime sur le visage de Roxane. La transformation d'Anastasia est malheureux, vraiment. Elle se sent toujours coupable et responsable de la situation, encore plus parce qu'elle cache sa part de responsabilité là-dedans. Toutefois, elle ne peut qu'apprécier le changement que ça opère sur Yue. Le demi-démon commence à sortir de sa zone de confort. C'est un bon début.

— Okay, ça me va.

Comme si elle allait cracher sur une occasion de se venger? Ce serait mal la connaître! Roxane s'agrippe au siège et, les dents serrées, elle attend que Yue termine de la soigner. Cela ne prend en effet que quelques minutes, tout au plus. La blonde commence par s'étirer, appréciant de pouvoir gesticuler sans grimacer de douleur. Elle se tortille ensuite afin d'accéder à un sac qu'elle avait lancé sur la banquette arrière avant de mettre en branle son plan. Un pantalon noir et un pull à col roulé de même couleur l'y attend et la blonde s'empresse de s'en vêtir. Elle y récupère également une dague qu'elle glisse à l'intérieur de sa botte en cuir.

— Démarre, le moustique. On a des têtes à faire tomber.

L'idée d'un nouveau round l'émoustille plus que de raison. Une jubilation malsaine, certes, c'est cependant ce qui l'aide à se maintenir en vie depuis tout ce temps. Vengeance. Ce mot tourne en boucle dans son esprit pendant que Yue conduit. Au lieu d'élaborer le moindre plan, Roxane se concentre sur sa satisfaction personnel de pouvoir planter son arme, sentir le sang couler entre ses doigts et bien évidemment, de pouvoir se repaitre de ses ennemis. Quoi que... elle soupir et jette un regard en direction du guérisseur. Elle ne peut malheureusement pas se permettre ce dernier écart en présence du demi-démon. Comment justifier qu'une simple humaine comme elle soit amenée à se délecter du sang de ses ennemis?

De retour sur les quais, Roxane fouille dans son sac. Elle en extirpe une arme à feu, retire le cran de sûreté et pose l'objet sur les genoux du guérisseur.

— Tu vises. Tu tires. C'est aussi simple que ça.

Non. Ce n'est pas aussi simple que ça. Viser c'est une chose. Tirer en est une autre. Certains des hommes de main de Marceline ne sont que des humains. Bien qu'ils aient choisi le mauvais camps, les tuer c'est se salir les mains, c'est devenir un assassin. Ni plus, ni moins. Est-ce que Yue aura se courage? Une part d'elle espère que non. L'autre, en revanche, espère que si. Parce que la gentillesse et la compassion ne l'aideront pas à survivre.

— On y va.

La blonde quitte le véhicule, sa dague en main et... rien. Pas de coup de feu, pas de cri pour avertir de leur présence. Il règne un calme inhabituel. De quoi titiller la méfiance de Roxane qui n'hésite pas à se placer devant Yue et à ouvrir la voie. Ce n'est qu'une fois arrivée au niveau du ponton que Roxane les voit, tout ses corps. Pire encore... Marceline est là, attachée comme un saucisson sous haute surveillance. Offerte à la colère de Roxane.

— Oh bah merde, alors, qu'elle souffle avec un certain agacement.

Elle jubilait tellement à l'idée de jouer des poings... C'est trop facile, maintenant.

— Eh bien, vous en avez mis du temps, petits chatons... j'ai pris la liberté de m'amuser un peu, en votre absence.

Cette voix qui vient de derrière eux, Roxane la reconnait. La chasseuse plisse des yeux et se retourne en levant les yeux au ciel. La chasseuse pose son poing sur la hanche et avec sa main libre, pointe Densetsu à l'aide de sa dague.

— Et j'imagine que c'est "par hasard" si tu te trouvais dans le coin?

Désinvolte dans sa gestuelle et sa manière de l'aborder, elle n'en demeurait pas moins curieuse. Pourquoi diable était-il là? D'ailleurs, elle réalise que dans tout ça, le pauvre Yue doit être perdu. Alors pour une fois, Roxane décide de se montrer civilisée.

— Yue, je te présente Icare. Icare, je te présente Yue.

Est-ce qu'elle a vraiment oublié le prénom de Den? Non. Elle se souvient très bien que c'est Ikari.

Yue ne rates ni les paroles de la blonde, ni la gueule que Roxane lui tire, quand il critique son plan. Sauf qu'entre répliquer un truc pour la piquer ou regarder la route pour éviter de s'écraser dans un poteau, il préfère la deuxième option. Mais ça ne l'empêche pas d'esquisser un sourire qui lui étire les lippes, doucement, surement. Il a l'occasion de se rattraper en lui donnant un de ses filtres magiques qu'elle déteste tant. Ca goûte le cul - la gueule qu'elle fait lui tire un autre sourire - mais c'est efficace. Le nippon n'est pas du genre à se venter mais il sait que c'est les meilleurs dans les environs. Qu'on lui trouve quelqu'un en ville qui peut battre ses potions; impossible! Alors, la blonde n'a pas le choix d'endurer pendant que, lui, il se met à guérir les blessures que ses filtres ne peuvent pas effacer. Elle lui arrache un autre sourire, alors qu'elle injurie la responsable de son état.

"Ça vous fait un point commun, on dirait." Il ne qualifierait pas Roxane de psychopathe. Pas totalement. Mais quand elle se lance dans le combat, qu'elle entreprend certaines conversations comme si c'était un duel plutôt que deux amis qui se tiennent compagnie, il le pense un peu. Peut-être que sociopathe serait le terme plus approprié. Sauf qu'il le sait, lui, que c'est une barrière. Qu'elle a mal. Qu'elle pousse alors qu'elle veut prendre dans ses bras. Elle ne sait pas comment. Et, à sa manière, Yue est pareil. C'est peut-être pour ça, qu'il l'endure. Qu'il lui confie sa vie sans le moindre doute. C'est probablement pour cette même raison que le nippon offre à la chasseuse de retourner sur les quais. De retourner au combat. De l'accompagner. Anastasia en est la cause, la majeure partie de ce changement lui revient de droit. À elle et le coeur qu'elle a laissé sur le comptoir de la blonde.

C'est probablement pour ça qu'un sourire de petit con s'étampe sur son visage alors qu'il fait tourner le moteur, après voir terminé ses soins. Il ignore même le surnom que lui donne la chasseuse avant de faire un demi-tour digne de courses automobiles. Les lumières le guide vers le quai et son coeur bat la chamade. Il est nerveux, c'est clair. Il n'a pas l'habitude d'être si entreprenant. Il a encore moins l'habitude de foncer vers le danger. Non, lui, il le fuit comme la peste. Être un héros, c'est pas ce qu'il veut. Il ne veut pas passer sa nuit dans les cimetières comme ses copines. Il ne veut pas risquer sa vie dans un combat qui ne lui appartient pas. Il veut seulement que son amie - sa Russe, son Anastasia - retrouve la paix. Et une part de lui, plus sombre qu'il n'aurait pu croire possible chez lui, veut faire payer la créature l'ayant massacré. Un peu de rétribution.

Une fois arrivé sur les quais, la chasseuse lui pose un flingue sur les genoux. Le nippon le fixe, le souffle saccadé. Jamais il n'aurait cru devoir tenir une telle arme. Il sait que l'arme n'est pas le responsable de la mort qu'elle cause mais bien son détenteur. Et le détenteur, c'est lui. Sous les explications de son amie, il prend une respiration avant d'avaler lourdement. "Tu vises, tu tires. C'est un peu comme les fraternités de l'université" L'humour, ça fonctionne, normalement. Sauf que, là, les circonstances sont loin d'être normales, quand il doit tenir une arme à feu entre ses paluches mal entrainés. Il débat un moment - il a envie de laisser l'arme sur le siège et de prendre la petite massue qu'il a prit à l'agence - mais il se résigne à l'amener avec lui, bien qu'il se penche tout de même pour prendre le bout de métal caché dans son sac avant de rejoindre Roxane hors de la voiture.

Les mêmes paroles résonnent dans sa tête, alors qu'il suit son amie. Tu peux le faire. Tu peux le faire. Tu vises, tu tires. Tu vises, tu tires. Tu... Il percute presque le dos de la blonde alors qu'elle se met devant lui. Fronçant les sourcils, il se met sur la pointe des pieds, sa vue visiblement cachés par la chasseuse qui fait quelques têtes de plus que lui. Puis, il comprend. Il voit les corps meurtrie et il la voit elle, attachée sur un fauteuil. Mais, surtout, il le voit lui, les interpellant, les appelant "chatons". Instinctivement, sa main se crispe autour du flingue qu'il tient encore, sa main moite s'y agrippant comme si sa vie en dépendant. En soit, elle risque d'y dépendre. Sauf que Roxane le ramène à l'ordre, son ton lui signifiant qu'il n'était, pour le moment, pas un danger pour eux. C'est assez pour apaiser le guérisseur, même s'il sent un truc étrange, chez lui. Ce n'est pas entièrement comme l'odeur de souffre que la magie dégages, ni comme cet odeur indescriptible que les démons dégages - odeur qu'il assume que tous peuvent sentir, bien que ce ne soit pas le cas.

"Enchanté." Il fait un signe de tête à l'homme; il est plus grand que lui. Plus fort, s'il se fit au massacre devant ses yeux. "Vous vous la joué souvent Kill Bill volume 3 ou c'est un spécial que pour nous ?" Sarcasme qui cache sa peur. Il passe trop de temps à l'agence, visiblement. La présence de Roxane y est aussi pour quelque chose.

Le sarcasme de Yue amuse la chasseuse. En dépit de la situation, un petit sourire s'imprime sur son visage alors qu'elle jette un regard en biais au guérisseur. Elle se sent comme une maman canard fière de ses cannetons. Son poulain grandit, il évolue et malgré sa peur, il tente de prendre sur lui. Brave petit.

C'est la proximité soudaine entre elle et Den qui la ramène à la réalité. Son sourire disparaît et la blonde plante ses prunelles dans celles de son interlocuteur. L'espace d'une seconde, à peine, sa respiration se coupe. La gêne empourpre légèrement ses joues lorsqu'il se penche vers son oreille. Figée sur place, les doigts de la chasseuse se crispent sur son arme. Un sashimi d'Ikari pour le dîner, ça intéresse quelqu'un?

— Ikari. Tu ne l’as pourtant pas oublié, l’autre nuit.

La blonde lâche un petit rire nerveux. D'un coup, elle a chaud, son visage se colore d'un rouge prononcé. Combattre des démons? C'est okay. Se lancer tête la première dans une apocalypse? Facile! Assumer une nuit de débauche? Là... ça devient compliqué. Alors qu'il s'éloigne, Roxane tourne sa tête vers Yue. Elle lève les yeux au ciel et lui adresse une petite moue du genre "l'écoute pas, il est sénile.".

— Pour le reste… oui. Je suis arrivé au moment ou tu fuyais, une petite poignée d’abrutis portant une arme à feu braquées sur toi. Je me suis dit que tu me serais gré d’intervenir, histoire d’éviter qu’ils trouent ton beau petit cul.

De nouveau, elle reporte son attention sur Den. Sa gêne s'envole pour laisser place au scepticisme. La blonde hausse un sourcil, franchement pas convaincue. Le hasard? Encore une fois? Une fois. C'est un hasard. Deux fois. Une coïncidence. A la troisième, ça deviendra une constante.

— Bah voyons, qu'elle lâche en levant une énième fois les yeux au ciel.

Même si elle joue la carte de l'agacement, elle lui en est reconnaissante car mine de rien, son petit cul rebondi, Roxane elle y tient. Et si elle adore Yue et qu'elle n'éprouve plus vraiment de gêne avec lui... ça resterait quand même malaisant de lui présenter son cul pour qu'il en retire des impacts de balles. Au-delà de ça, elle aurait vraiment pu y passer, si une des balles s'étaient logées dans sa nuque, par exemple.

En dépit des bonnes intentions apparentes de Den, la chasseuse se raidit lorsqu'il s'intéresse un peu plus à Yue. Instinctivement, elle s'approche du guérisseur, tout ses sens en alertes. Elle s'en voudrait si il arrivait quelque chose à Yue parce qu'elle se serait montrée trop négligente.

— Densetsu Ikari, si je semble occidental pour un tel nom, c’est la résultante d’un simple concours de circonstances, je suis né japonais d’un parent occidental. Pour répondre à votre question, cependant… J’ai une préférence pour les lames plus longues et le jaune est un peu trop flashy à mes yeux, après tout, une attaque surprise se doit d’être fulgurante et efficace, n’est-ce pas ? J’imagine cependant que je partage son amour pour la découpe et les interventions maîtrisées, si je puis dire…

Ikari en tenue jaune flashy? Roxane doit se mordiller la lèvre pour ne pas éclater de rire. D'une manière tordue et imprévisible, elle a l'image de Den dans une tenue de poussin, à danser dans une marre en se dandinant le popotin. Son hilarité est aussi soudaine qu'inexpliquée et c'est avec un effort surhumain qu'elle n'éclate pas de rire. Surtout lorsque, dans son imaginaire, Yue se joint à cette danse saugrenue.

Putain! Roxane! Focus! Ce n'est très certainement pas le moment de partir dans un fou rire. Den se met en retrait, laissant à la chasseuse le loisir de contempler Marceline. Au moins, ça a le mérite de la faire redescendre très vite. La réalité la frappe de plein fouet et voir la démone s'agiter comme un animal en colère n'est pas aussi plaisant qu'elle l'aurait cru.  

— Il ne vous reste plus qu’à vous amuser avec elle, si je puis dire, de la façon qui vous conviendra le mieux, bien entendu...

La blonde regarde tour à tour Den, puis Yue. Marceline est un danger. C'est évident. Et le mieux pour tout le monde, ça reste encore qu'elle meurt le plus vite possible. C'est son métier, à Roxane. Tuer et traquer les créatures surnaturelles, au moins celles qui représentent un danger immédiat. Elle a déjà commis l'erreur, autrefois, de laisser Dylan s'échapper... et elle sait très bien a quoi ça à mener. Elle prend l'arme du guérisseur et pointe le canon en direction de la démone. Tu vises. Tu tires. C'est bien qu'elle disait tantôt à Yue.

Finalement, elle laisse son bras retomber le long de son corps. C'est au-dessus de ses forces. Tuer c'est une chose mais c'est comme tout... il y'a des manières de procéder. Déjà qu'elle ne vaut pas mieux que les monstres qu'elle chasse... là, ça ne ferait que confirmer le monstre qu'elle est déjà. Si elle tire... alors ça sera ni plus ni moins qu'une exécution. Elle fait claquer sa langue contre son palais et contre toute attente, elle retire le chargeur de l'arme avant de confier la bestiole au guérisseur. Un geste qui n'est pas si anodin, à la façon dont elle plante ses prunelles dans celles de son ami.

— Oublie le conseil que je t'ai donné tout à l'heure. Il ne suffit pas de viser et de tirer. Tu n'es pas un tueur, toi.

Tu vaux beaucoup mieux que nous tous, qu'elle a envie de lui dire. Au lieu de ça, elle se contente d'un sourire flétrie. Moment guimauve terminé, Roxane reprend ses airs de poupée impassible. Elle n'a qu'à se pencher pour trouver une arme blanche qu'elle tend à Den. Non pas pour lui, mais pour qu'il l'offre à Marceline une fois qu'elle sera libérée. Elle ne doute pas un instant qu'il comprenne ses intentions. Toutefois, elle éprouve le besoin de le formuler à voix haute.  

— Détache-là. On va régler ça à la loyal.

Le commentaire de Den ne manque pas de tirer une réaction chez Yue. Le genre sourcils froncés, bouche qui s'étire pour une moue dégoutée. En soit, Icare, ou Ikari, comme il se présente pour corriger Roxane, il est beau. Plaisant à regarder mais Yue ne le sens pas. Ce n'est pas les cicatrices qui lui parsèment le torse, qui le dégoute - parce qu'il les a bel et bien remarquées sauf que, pour lui, c'est pas nouveau. Ce n'est pas non plus son commentaire, qui le met mal à l'aise; Yue est timide, voir prude, mais il n'est pas dégouté par le sexe. Non, c'est plutôt sa manière de se tenir, ce qu'il dégage. Son odeur le met mal à l'aise - non, ce n'est pas comme une odeur d'adolescent qui commence à transpirer et qui pense qu'une canne de axe entière servira à le couvrir. C'est une odeur qu'il ne saurait placer et ça l'agace. Il n'est pas en confiance, loin de là. Quand Roxane lui indique d'un coup d'oeil qu'il déraille, Yue opine doucement de la tête, comme pour signifier qu'elle a surement raison... jusqu'à ce qu'il détourne le regard sans que personne ne le voit et qu'il tire une tronche digne de The Office.

Leur sauveur aurait apparement assuré que les fesses de la blonde ne se retrouvent pas avec un nouveau trou, ce qui a sauvé les siennes, du même coup. Sauf que ça sonne un peu trop...hasardeux. Yue ne croit pas vraiment aux coincidences - sauf quand sa l'arrange - et son excuse sonne bateau; en thème avec leur location, donc. Le nippon, le vrai nippon, en sentant la blonde se raidir, ressert sa poigne sur l'arme, ses jointures pâlissantes sous sa prise. Si Roxane ne fait pas totalement confiance à quelqu'un qu'elle connait, ce n'est pas bon signe. Il ne doit évidemment pas lui faire entièrement confiance. Le jugement de la blonde peut parfois laissé à désirer, comme quand il s'agit des gens qu'elle amène sous sa couette, mais quand ça compte, quand sa vie est en danger, il sait qu'il peut se laisser dans ses mains sans soucis.

Ikari répond à son commentaire, qui d'accord sonnait comme une question, laissant le guérisseur assez incrédule. Il sait pas ce qu'est une question de réthorique ? Il demandait pas son histoire personnelle ou son opinion sur le chef d'oeuvre qu'était Kill Bill et encore moi sur la superbe tenue jaune qu'Uma Thurman portait dans le film - sauf que ça, c'était surement parce qu'il avait revêtu le même costume pour une fête d'Halloween.

"Tant mieux pour nous, alors." Ouais, il aimait mieux que ce soit les autres qui finissent découpé par le grand brun que lui et son amie... même si la vue lui donnait franchement envie de gerber. Heureusement que le rire psychotique de la chasseuse pu le distraire assez pour qu'il se concentre sur elle, son faciès exprimant plus qu'aisément son malaise. Sauf que le Grand Samurai D'Europe se décide à ramener l'attention sur la démone attachée, forçant ainsi le guérisseur à traverser la rivière de cadavres des yeux avant qu'ils ne tombent sur leur cible. Il regrette légèrement sa décision. Peut-être qu'il aurait du les conduire en sécurité, au final. Densetsu semblait avoir la situation en main... en lame ? En fait, Yue voulait pas savoir comment il les avait tué. Non, merci.

Roxane lui prend l'arme a feu des mains, se préparant à attaquer Marceline et Yue ne peut pas ignorer la nausée qui s'empare de lui. C'est dégoutant, cette façon de faire. En combat pour sa vie, peut-être qu'il y arriverait. Un gros peut-être. Toutefois, il ne bouge pas, ses yeux hésitant entre regarder Roxane, Marceline ou ses pieds. Le nippon n'arrive pas à cerner quoi, ou qui, regarder. D'un côté, s'il regarde Marceline, il verra certainement sa cervelle exploser, marquant le sol avec son hémoglobine et son lobe occipital; appétissant. De l'autre, il s'apprête à regarder son amie, celle à qui il remettait sa vie constamment, retirer celle d'un démon qui ne peut même pas se défendre. Est-ce que c'est une procédure normale ? Il en doute fort. Il n'arrive pas à imaginer quelqu'un comme Basile ou Coraline prendre part d'une telle chose et tourner l'oeil. Son opinion n'est pas entièrement faite, en ce qui concerne Camille ou Emmanuelle mais il doute que ce soit dans leurs habitudes.

Son souffle augmente, son torse stimulé plus rapidement que s'il avait fait une course à pied. Yue se décide à fixer la main de la blonde, celle qui tient le flingue. Elle semble immobile et c'est comme si le temps s'arrêtait avec eux. Puis, sa main bouche et Yue se sent paniquer jusqu'à ce qu'il réalise que Roxane lui tend l'arme, vide. Tu n'es pas un tueur, qu'elle lui dit. Il en a pas l'impression, quand il se souvient que, par sa faute, Anastasia à tué quelqu'un. Peut-être pas un tueur mais un complice. Il lui retourne un sourire qui ne vaut pas mieux que le sien avant de ranger l'arme dans la veste de cuir de la russe. Son regard bloque encore alors que Roxane s'empare d'une arme blanche trouvé au sol.

"Qu'est-ce que..." Il comprend. Il empoigne sa propre arme, la massue qu'il traine avec lui, et il se recule, laissant le champ libre à son amie, évitant les cadavres qui se trouvent derrière lui. Il ne sait pas se battre, il ne serait qu'un poids mort dans un combat qui n'est pas le sien. Sauf qu'il ne laissera pas la garce s'échapper, si elle essaie. Un coup de massue dans la rotule, ça règle ce genre de problème plutôt facilement. Et si elle n'a pas besoin qu'il lui prête main forte - massue forte ? ...qu'il l'aide - Il pourra toujours lui donner un coup de jus pour s'assurer de la victoire.

Par le passé, elle a commis des erreurs. Notamment celle de laisser Dylan s'échapper. N'est t-elle pas en train de réitérer? N'est t-elle pas en train de jouer avec le feu, encore une fois? Et tout ça pour quoi? Pour se prouver qu'une part d'humanité réside encore en elle? Pour se prouver que dans le fond, elle n'est pas si mauvaise que ça? Tuer et traquer ça change une personne, ça empoisonne l'âme. Toutefois, elle ne perçoit aucun autre chemin. Ne connait aucune autre issue.

Pendant qu'Ikari libère Marceline, la chasseuse joue avec l'arme. Le sabre briquet tournoie dans les airs, avec agilité et légèreté. Que la démone ai choisi ce type d'armes pour équiper ses bras-droits n'étonne en rien Roxane. Au contraire, elle trouve que cela lui correspond bien. D'ailleurs, la chasseuse reconnaît le modèle dont s'empare Marceline. Un sabre de sapeur d'infanterie, utilisé en France dans les années 1870, probablement pour une ville telle que Lyon a en juger la tête de lion sur le manche. Un sourire fourbe au coin des lèvres apparaît sur les lèvres de Marceline. Inutile d'être télépathe pour comprendre les pensées qui animent la française. Elle trouve Roxane idiote de l'avoir libéré. Peut-être qu'elle n'a pas tord.

— Ne t'attend à aucun élan de compassion de ma part, prévient la démone.
— Tant mieux, car je n'en aurais aucun également.

La seconde suivant les paroles de Roxane, les deux femmes se lancent dans le combat. Les lames s'entrechoquent, pourfendent l'air avec précision et hargne. Malgré cette rage qui bouillonne en elle, la chasseuse mène difficilement le combat. Comment lutter contre une démone âgée de plusieurs siècles? D'autant plus que Marceline manie très bien son arme. Entre ses doigts, c'est bien plus qu'un sabre, c'est un prolongement de son corps. Elle est d'ailleurs la première à entailler la chair, laissant un sillon carmin sur la peau opaline de Roxane. C'est à ce moment bien précis que la chasseuse sent une chaleur parcourir son corps, une puissance venue de nul part qui, soudainement, gronde en elle, demande à grandir et se propage à travers ses veines. Une décharge d'adrénaline qui l'aide à reprendre le contrôle. Elle esquive plus vite, frappe plus fort. La confiance grimpe alors qu'elle est grisée par cette énergie qui anime son corps. Mercie Yue, car elle est certaine qu'il est la cause de ce regain d'énergie salutaire. Roxane plonge sa lame droit sur Marceline, mais cette dernière esquive à l'aide d'une roulade sur le côté. Tout juste remis sur ses deux pieds que la démone tente une nouvelle attaque mais Roxane parvient à la désarmer d'un coup de pied dans la main. L'espace d'une seconde, la chasseuse se pense victorieuse, proche de la victoire. Toutefois, Marceline n'est pas en reste.

Marceline esquive, toujours plus vivace et plus féroce. Elle comble l'espace entre elle et Roxane avec finesse. Sa tête percute celle de la chasseuse. Le choc sonne les deux femmes. Chacune titube, mais Marceline ne perd pas de vue son objectif initial et s'empare du poignet de la blonde afin de le tordre pour l'obliger à lâcher le sabre. Ce à quoi, la chasseuse répond d'un uppercut avec sa main libre. Pourtant, c'est un sourire qui s'anime sur le visage de la démone. Le temps de comprendre qu'il était déjà trop tard. Une douleur fulgurante transperce l'humaine. Incapable de bouger, incapable de penser, ses yeux claires se plongent dans ceux de Marceline. Pour la française, la partie est terminée. Victorieuse, elle approche ses lèvres de l'oreille de Roxane pour y murmurer quelques mots qui font frémir la chasseuse.

— T'as oublié la règle numéro deux, Roxane. Toujours avoir une arme de secours planqué sur soi. Toujours.

Maintenant que la partie est terminée, Marceline avise l'étendue d'eau qui se trouve juste en-dessous de leurs pieds. Au cours de leur combat, elles sont rapprochés des bordures du quai. Alors c'est tout naturellement qu'elle décide de pousser Roxane à l'eau, histoire de se débarrasser définitivement de la chasseuse. Sauf que cette dernière est loin d'avoir dit son dernier mot malgré tout. Elle puise dans ses forces restantes pour attraper Marceline et la faire chuter avec elle. Et si les deux femmes se retrouvent bien à l'eau, c'est Roxane qui sombre dans les fonds marins tandis que Marceline est déjà en train de fuir très loin à la nage.

La forme d'Ikari se trouve plus loin, tout près de Marceline, alors que Roxane se prépare à se battre contre elle. La française - du moins, c'est ce qu'il croit qu'elle est, au vu de l'accent - est finalement libérée, prête à se battre. Eh bah, elle est aussi folle que Roxane; les deux ne se sont même pas remises de leurs blessures et les voilà déjà sur pieds, prête à se défoncer la gueule à coup d'insultes et d'armes. Dans un sens, c'est quelque chose que le nippon peut admirer - bien qu'il ne l'admettrait pas à la blonde, plutôt mourir - et qu'il aimerait bien pouvoir faire, plutôt que de trembler avec l'arme de fer en main. Il a ses utilités, il en est conscient, mais en combat, il est un point. Face à Anastasia, lorsqu'elle aura finit de faire joujou avec lui, c'est un poids mort, qu'il deviendra. Littéralement.

Alors que les deux femmes commencent leur confrontation, Yue, inconsciemment, se déplace un peu - à la fois pour mieux voir, à la fois pour s'éloigner d'Ikari. Ses jointures deviennent blanches, tellement il sert son arme fortement. Il a mal mais ne s'en rend pas compte. Non, il observe tout ce que la blonde fait, chacun de ses mouvements. Il voit le sabre de Roxane percuter celui de la démone. Il remarque aussi que Marceline est plus forte, plus rapide, plus tout. Et rien ne le prouve plus que lorsque la chair de son amie se retrouve entailler par l'arme de la pétasse de l'enfer. Rapidement, presque inconsciemment, Yue forme une sphère dans ses mains, alors que ses yeux brillent de la même lueur bleuté. Il envoi la sphère directement dans le corps de la blonde, sentant sa propre énergie le quitter pour compenser celle de son amie. Défonce-là, qu'il pense.

Maintenant, Roxane a une bien meilleure chance de la battre, de s'en sortir vivante. Gagnante, surtout.

Enfin, c'était les pensées du guérisseur, juste avant de voir la démone poignarder son amie, la surprise s'extirpant de ses lippes à la vu de son amie suspendu au-dessus de l'eau. Puis, l'impensable, bien qu'évidence, se produit: les deux femmes tombent des quais, se retrouvant dans les eux profondes de Crestwood. Yue s'approche du rebord - petit trajet de quelques secondes, comme il s'est inconsciemment déplacé au fur et à mesure que le combat s'éloignait - et remarque que, bien que Marceline se soit déjà mise à nager, devenant rapidement un point invisible à l'oeil nu, Roxane, elle, n'en est toujours pas ressorti.

Sans y penser une seconde de plus, Yue saute à la flotte et se met à nager jusqu'à ce que la forme de Roxane - ou quelque chose qui y ressemble, dans le noir c'est pas évident - se montre devant lui. Priant pour que ce ne soit pas un cadavre, Yue l'empoigne pour la remonter à la surface. L'air remplit ses poumons et il voit bien que ça ne semble pas être le cas pour la chasseuse. Changeant de position, il la traine vers lui, tout en nageant vers le rivage, priant tout les Dieux qu'elle puisse s'en sortir. Qu'elle puisse s'en sortir. Il espère que l'énergie magique qu'il lui a donner pourra l'aider encore un petit peu.

Le duo arrive au rivage et le nippon dépose délicatement la blonde qui, visiblement, à but son poids en flotte. Dégoûté en pensant à ce qui pourrait s'y trouver, Yue n'hésite toutefois pas à mettre ses lèvres sur celles de son amie, y envoyant de l'air en alternant avec des compressions au niveau du torses. Priant, s'inquiétant, espérant. Faites qu'elle s'en sorte, qu'il se répète.

"Allez Roxane! Tu peux pas me faire ça!" Il pousse encore. Il envoie encore de l'air. Il refait les compressions. "Allez! Réveilles! Toi!" Chacune de ses compressions accentue ses mots alors que les larmes montes, que la panique essaie de s'immiscer. Il se retient - perdre le contrôle ne l'aiderait pas. "Rox...Roxane, s'il-te-plait..."

Il perd espoir tranquillement. De la voir inerte lui fait monter le coeur au bord des lèvres. Il essaie une dernière fois. Une dernière compression, plus guidé par la force du désespoir qu'autre chose. Puis, alors qu'il abandonne, qu'il fait une dernière compression, l'eau s'extirpe des poumons de la blonde qui tousse et se relève légèrement, une sorte de réflexe, quand ce genre de truc arrive. Enfin, si le guérisseur se fit à la télé.

Un soupire suivit d'un rire nerveux s'extirpe de ses lèvres alors que le nippon se laisse tomber sur la plage, aux côtés de son amie. Il pousse ses cheveux mouillés hors de son visage et son rire nerveux devient des larmes de joie alors qu'il s'empresse de les essuyer.

"Merde, Roxane. Tu m'as foutu la trousse. Ne t'avise plus jamais de me refaire le coup!" Il rit une autre fois et détourne le regard vers elle. Il n'aurait pas pu la perdre elle aussi. Puis, il reprend un autre air, un air de petit con avant de sortir son téléphone de ses poches. "Tu me dois un nouveau portable..."