Pourquoi s'inscrire à une salle de sport? Les petites cuisses de Marcus s'activent comme si sa vie en dépendait. Oh, pardon. C'est vrai que sa vie en dépend réellement. Une situation courante pour le loup-garou. Rien de plus qu'une petite remise en forme, une séance de cardio un brin trop intense où l'issue pourrait lui être fatale. Pas de quoi s'inquiéter, donc.

— ALEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEED!

D'accord. Il semblerait que Marcus ne soit pas du même avis que sa narratrice, à savoir, moi. Son cri désespéré résonne dans les rues de Crestwood. Malheureusement, cette fois, il n'y a aucune Tueuse pour lui sauver le cul, aucune chasseuse disposée à s'interposer, et pas d'Archibald à qui refiler le blâme. Même Victoria est occupée ailleurs. Marcus est donc livré à lui-même, ne comptant que sur sa capacité à se carapater aussi vite qu'une gazelle face à un prédateur.

— Je suis désolé! qu'il hurle en s'autorisant un regard derrière lui.

Ses excuses passent inaperçus. Les gros molosses qui le pourchassent ne décolèrent pas, ne décélèrent pas, et n'abandonnent pas. Ils veulent transformer Marcus en sashimi pour les poissons. C'est une réalité indéniable, et la détermination se lit à travers leurs trois yeux. Cette rage primale qui les animent, elle, se devine parfaitement à travers la bave qui dégoulinent de leurs bouches aux crocs aussi aiguisées que celles d'un requin. Vraiment Marcus, tu n'as pas emmerdé les bons démons.


Tout commence avec une envie de pisser. Vous savez, le genre d'envie tellement urgente qu'un petit rire suffirait à relâcher la pression et à transformer le fond de son calbute en piscine public. La honte intégrale, même pour quelqu'un comme lui. Il décide donc de quitter son siège pour se rendre aux toilettes. Jusque là, rien à signaler. N'est-ce pas? Malheureusement pour le loup-garou, une fois devant les chiottes, il réalise qu'elles sont fermées. "Out of service". C'est problématique. L'envie toujours là, il se dandine en se grattant l'arrière du crâne. Comment remédier au problème? Un coup d'œil à sa droite : les toilettes des femmes sont en service. Okay! Problème résolu!

Tout victorieux, il pénètre à l'intérieur et là, c'est la grande désillusion. La seule cabine présente est utilisée. Porte close, avec une odeur de merde qui laisse présager que la personne en a encore pour un moment. Marcus ne se laisse pas démonter pour autant! Oh que non! Il dégaine son "pistolet", vise l'évier et soulage sa pauvre vessie. Un sentiment d'euphorie le gagne un court instant, car enfin, il est en mesure de se décharger de son problème le plus imminent.

Qu'il profite. Son bonheur ne va pas durer longtemps. Pour être honnête, il a à peine commencé qu'une femme entre également. Enfin, une femme... à sa gueule, c'est évident que c'est un démon mais passons! Offusquée de trouver... de trouver quoi, au juste? Un homme dans les chiottes des femmes? Ou un homme qui se soulage dans l'évier? Toujours est-il que cette démone - mangeuse de bébé, au passage - pousse un cri de surprise en apercevant ainsi Marcus.

Et vous savez quoi? Elle n'est pas la seule à être surprise! Le loup-garou, apeuré comme un enfant pris en flagrant délit, surpris, et ses neurones ayant la capacité d'un mollusque, sursaute et se tourne instinctivement vers l'intruse. Pistolet en main, jet toujours en action... c'est la golden shower par ici!

Vous avez déjà connu ce genre de moment où le temps s'arrête? Ce genre de moment où le monde continue de tourner, mais que vous vous sentez tellement con et pris au dépourvu que votre corps et votre cerveau restent sur pause? Parce que eux, c'est exactement ce qui se passe. La démone reste prostrée, se demandant si il y'a vraiment un crétin en train de lui uriner dessus. Puis y'a Marcus, qui se demande si il va cesser d'uriner un jour. Les deux se fixent. L'horreur pouvant se lire dans le fond de leurs prunelles. Le tout ponctuait par un "ploc" suivit d'un râle satisfait qui provient de l'intérieur de la cabine.

— MARTYYYYY!!!! finit par hurler la démone.

Elle tape du pied, serre des poings. De la fumée pourrait presque sortir de son unique narine. La golden shower se termine. La vessie aussi asséchée qu'un abricot sec, il range son matos.

— Non, moi c'est Marcus.

Il a l'habitude qu'on lui hurle dessus mais tant qu'à faire, autant qu'on lui gueule le bon prénom. Non? La démone pousse un cri de rage et s'élance droit sur le lycan. Dans son élan, la semelle de chaussure glisse sur le sol humide et c'est la dégringolade. Elle s'étale sur le sol, pareil à une crêpe.

— MARTYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY!!!!! qu'elle hurle une nouvelle fois.
— Ah non, c'est toujours Marcus.

C'est lâche, mais il profite de la situation pour enjamber la démone et sortir fissa. D'ailleurs, à peine hors des sanitaires qu'il voit deux molosses trottiner jusqu'au toilette. Parmi ces molosses, se trouve bien évidemment ce cher Marty.


Désespéré, Marcus décide de sprinter en direction de l'usine abandonnée. Il se dit qu'avec un peu de chance, il trouvera un coin où se cacher des deux démons. Peut-être même qu'il trouvera une cachette assez confortable pour y passer la nuit. Alors il s'active. Son cœur est au bord de l'implosion. Ses poumons s'embrasent à chaque nouvelle inspiration. Putain, il donnerait ses deux reins pour un poulet frit et un kebab. Il remarque une porte entrouverte et sans se poser d'avantages de question, Marcus pénètre à l'intérieur de l'usine. Il court sur plusieurs mètres avant de percuter quelque chose, ou quelqu'un de plein fouet.

Dans son élan, et trop occupé à regarder derrière lui, le lycan n'a rien vu de ce qui se tramait au sein même de l'usine. Des symboles ésotériques sur le sol, tracé avec du sang. Une dizaine d'homme encapuchonnés. Des bougies. Et une femme saucissonnée et bâillonnée en plein centre du cercle formé par les hommes en capuche. Marcus a foncé droit sur l'un des hommes, tombant à la renverse sur lui.  

Au même instant, les deux démons qui poursuivaient Marcus arrivent. Mauvais timing, un grand bout de femme apparaît, sorti de nul part, pas très loin du lycan. Ce dernier se relève sur ses deux pieds. Ses yeux s'illuminent aussitôt en voyant Victoria! Sa dulcinée céleste, sa promise interstellaire! Son rayon de soleil qui... pourquoi elle est recouverte de sang de démon?

— Pourquoi vous restez tous plantés là? Attrapez-les!

L'ordre donné par un des hommes capuchonnés, Marcus comprend qu'il est temps de se carapater. Encore!

— Cours! qu'il conseil simplement à Victoria avant de lui-même prendre la poudre d'escampette.

"...pétasse! Tu mérites la... la..." Oh. Elle était plus devant Roxane. Non, à sa place, c'était Marcus, écroulé au sol. L'héritière pousse un soupir exaspéré. Encore lui. Pourquoi est-ce qu'elle se trouvait toujours à ses côtés ? Et pourquoi il avait toujours l'air aussi heureux de la voir ? Non, parce que elle essayait pourtant de lui rappeler qu'il était inférieur à lui, autant physiquement que... dans tout les aspects possibles, en fait. Elle se prépare à lui faire un sermon - le kidnapping d'héritière, c'est assez, après un moment - mais elle est interrompue par un homme en robe qui demande à ses hommes de l'attraper.

Marcus l'invite à courir, sans l'attendre. Pour seule réponse, Victoria se met à faire une crisette moue en place et talon martelant le sol alors qu'elle se met à geindre. Puis, réalisant qu'elle était encore dans une situation dans laquelle sa vie est en danger, le peu d'instinct de survie qu'elle possède la pousse à suivre Marcus, courant comme si sa vie en dépendait - surtout parce que c'était bel et bien le cas.

Se faufilant dans les multiples caisses parsemant le chemin dangereux de l'usine délabrée - sérieux, il faudrait qu'elle pense à porter plainte si elle s'en sortait - elle tentait de garder le lycan dans sa ligne de mire, sa taille d'asperge lui donnant un avantage particulier. Elle ne tenait pas particulièrement au brun mais, comme les deux se retrouvaient toujours dans de tels situations, ensemble, autant rester avec lui. Il ferait un bon bouclier humain, en cas de besoin.

Regardant par moment derrière elle, Victoria remarque que les hommes se font moins nombreux qu'au début, signifiant qu'ils devaient bel et bien les perdre. Ainsi, elle empoigna la main de Marcus pour s'enfoncer, contre son meilleur jugement, dans une caisse laissée ouverte qui leur offrirait couverture mais également une vue sur leurs poursuivants.

Remarquant la proximité à laquelle son visage se trouvait de celui de son... non, elle ne pourrait pas dire ami - autant se laisser tuer par leur poursuivant - son allié de malheur ? Son kidnappeur ? Ouais, ça! Son kidnappeur. Son visage près de celui de son kidnappeur, elle fronça les sourcils, à la fois en signe d'avertissement, mais aussi par simple dégout.

"Te fais pas d'idée. Dès qu'on arrive à se sortir d'ici, je rentres chez moi. Seule!" Emphase sur le dernier mot et l'héritière continue de poser ses yeux vers l'extérieur de leur abri de fortune, espérant qu'ils avaient bel et bien perdus les hommes à capes.

Une main s'empare de la sienne. Sur l'instant, le cœur de Marcus frôle la syncope! Il ouvre la bouche pour hurler, mais rien ne sort, si ce n'est le bruit qu'un chaton qu'on émascule pourrait faire. Quand il réalise que la paluche appartient à Victoria, il est rassuré et se laisse guider par l'héritière. Victoria, elle est belle et intelligente. Elle sait forcément quoi faire. Il est content qu'elle soit là. Parce que maintenant, il n'est plus tout seul dans sa galère. Parce qu'un cerveau un quart, ça vaut toujours plus qu'un quart de cerveau.

Avec l'héritière, il trouve refuge vers une caisse ouverte. Bonne idée, la caisse. C'est comme une benne à ordure mais les mauvaises odeurs en moins. Quoi que... le lycan renifle l'air. Elle empeste autant que lui, il sent l'urine. Bah ouais, il se pourrait qu'il ai un peu pissé sur ses converses lors de la golden shower improvisée. Victoria fronce les sourcils et Marcus ne peut qu'acquiescer, compatissant. Il ne la jugera pas sous prétexte qu'elle empeste l'œuf pourri.

— Te fais pas d'idée. Dès qu'on arrive à se sortir d'ici, je rentres chez moi. Seule!

Oh! C'est tellement adorable et mignon! Le petit coeur de Marcus fond. Ses grands yeux dégoulinant de guimauve se verrouillent sur elle et avec tendresse il pose ses mains - pas lavées depuis des lustres - sur les joues Victoria.

— Ne t'inquiète pas, ma girafe. Tes mauvaises odeurs ne m'imposture absolument pas!

Imposture, importune... vous savez, dans la tête du lycan c'est sensiblement la même chose. Toujours est-il qu'il tapote gentiment la joue de l'héritière lorsque soudainement, une sonnerie de téléphone retentit. Pris au dépourvu, Marcus sursaute et lâche un cri à en percer les tympans d'un sourd. C'est qu'il a du coffre, le brun! Son petit cœur manque de défaillir une seconde fois. Il ne survivra pas à cette nuit, si ça continue!

— Ils sont ici!

Marcus se penche vers Victoria, son nez frôlant presque celui de l'héritière.

— Tu crois qu'ils nous ont découvert? qu'il chuchote.

Les bruits de pas qui se rapprochent répondent à sa question. Okay, Marcus est débile mais étrangement, quand sa survie est en jeu, il est parfois capable de raisonner. Et j'insiste sur le "parfois". Le lycan se redresse, semblable à un suricate monté sur ressort. Il bondit par dessus la caisse et récupère des débris qu'il lance comme des frisbees sur les assaillants qui courraient vers eux. Ce n'est pas la meilleure technique mais ça les ralentit et ça laisse un peu de temps à l'héritière de trouver une solution pour les sortir de là.

Finalement... en chopant une barre de fer, le lycan remarque un trou dans la tôle du mur à quelques mètres d'eux. Une chance pour lui, il n'a pas une carrure si impressionnante que ça, même si il commence à soulever la fonte! Okay... il soulève des bouteilles d'eau de deux litres pour ses séances de muscu. On fait avec les moyens du bord! Quant à Victoria, elle est grande mais fine.  

— Ma girafe! Suis-moi!

Comme à son habitude, il n'attend pas. Il court vers son salue. Une fois près du trou, au lieu de simplement se pencher, il se vautre littéralement par terre. La chute est rude mais, sa tige de fer toujours en main, le lycan se tortille et c'est moitié en rampant, moitié à quatre pattes, qu'il passe à travers le trou.

L'extérieur mène sur une pente qui descend. Droite, raide, dangereuse. Et ce vieux caddie, tapissé de cartons. Les deux neurones de Marcus se touchent.

— Le caddie! Le caddie! Faut monter dedans!

Il a l'air comme un gosse parce que ouais, Marcus se fend déjà la gueule à l'idée de descendre la pente avec un caddie. En tout cas, le temps que Victoria se décide ou non, il utilise sa barre de fer pour frapper la tête d'un homme qui cherchait à passer par le trou. C'est pas qu'ils doivent prendre une décision fissa... mais quand même!  

Pourquoi est-ce qu'elle s'est enfermée dans une caisse avec lui ? Non, sérieux, elle se pose vraiment la question. Se faire renifler par Marcus, elle n'y avait pas pensé. Elle avait pas pensé à grand chose, en fait, quand elle s'est jeté dans une boite avec lui. C'est une chose qu'elle ne possède pas, cette faculté étrange de penser avec son cervical, quand elle se trouve poursuivit par des stalkers - parce que ces hommes, c'est ce qu'ils sont et ils l'ont amené ici, probablement sous la demande du brun. Avec de la façon qu'il agit avec elle, comme s'il était sous son charme - ce qui est compréhensible - il semble prêt à tout. Même de la tirer jusqu'ici alors qu'elle discutait calmement avec Roxane.

Et le voilà qui poses ses paluches de molosses mal lavé - c'est elle, ou est-ce que sa sens la pisse ? - et Victoria peine à reculer sa tête, malgré son long coup et sa taille digne des mannequins les plus connues. Non, elle doit subir son touchés et ses mots doux. Elle doit contenir ses mots, elle doit garder son calme, garder le silence et reste calme. Zen. Parfaitement-

"Bas les pattes, Lassie. C'est du Prada et ta copine, la blonde, elle l'a déjà gâché. C'est bien hors de vos moyens de la remplacer." Roulement des yeux qui met en évidence. De loin, il a l'air con. De plus près, c'est bel et bien une confirmation qu'il l'est et ça, Victoria le sait depuis qu'elle l'a vu, la première fois. Il était même incapable de l'aider! Il prenait toujours la fuite sans l'attendre, comme s'il ne voulait pas risquer sa vie pour elle ce qui était, au yeux de tous, incompréhensible! Et comme pour lui prouver raison, le portable de l'héritière sonne, le rythme d'une chanson pop bonbon résonnant dans toute l'usine, accompagné par le cri strident de Marcus. Il se met à courir sans elle, se mettant à courir en ligne droite alors que l'héritière tente de répondre à son téléphone; c'est Gontran, son associé pour sa ligne de maquillage. Sauf qu'à peine le bonjour s'extirpant de sa gorge, Victoria échappe son téléphone alors qu'on la sort de force de son refuge.

Prise au piège, elle se débat mais avec la force qu'elle a - pas plus forte qu'une mouche - elle n'arrive à rien. Sauf que, pour une fois, les techniques idiotes du singe qui l'accompagne la sauve; enfin, en partie. L'un de ses projectiles atterrit sur la tête de son kidnappeur qui relâche une main et qui est aveuglé temporairement par le contenu de la caisse. L'héritière en profite pour lui lancer un coup de talons dans les noisettes, pouvant ainsi s'extirper de son emprise pour rejoindre Marcus et, contre son gré, le suivre en traversant le mur brisé. Comme un enfant, il bondit à l'idée de pouvoir rouler dans un caddie, extirpant un soupire agacée chez la grande brune.

"T'as prévu le coup, j'suis certaine! C'est toi qui m'a mené ici, qui m'a mise en danger juste pour qu'on se trouve ensemble et que tu puisses profiter de moi! T'es vraiment mal, comme type." Elle tape du pied, comme une gamine qui fait une crise. Une moue accompagne le tout. "Il est hors de question que je t'accompagne. Tu vas seulement profiter du moment pour me tripoter! T'es tordu, mon pauvre. Je reste ici et je ne bouge pas!" Un homme réussi à les rejoindre essayant d'attraper le pied de Victoria qui hurle et qui saute dans le caddie sans hésiter. "Ok, d'accord, je te suis!" Regardant devant elle, elle se retourne vers l'avant et dès que Marcus la rejoint, le caddie se met en route, un cri rugissant hors de la gorge de l'héritière. Une douce mélodie aux paroles sucrées. "JE TE HAIS! JE TE HAIS! JE TE HAIS!"

Parce que oui, c'est sa faute. C'est lui qui l'a menée ici, elle en est certaine! La vitesse de leur transport improvisé augmente, la vélocité de son cri suivant le rythme jusqu'à ce que le métal percute quelque chose - Victoria n'arrive pas à voir quoi - et ils en sont sauvagement et brutalement propulsé, la grande brune roulant au sol, sa chevelure obscurcissant sa vue et sa robe fichue par le sang de démon et la saleté qui s'y coule. Se relevant, elle constate son état et les larmes mode alors qu'elle reste le cul par terre. Sa belle robe, sa coiffure et, maintenant, son maquillage. Tout est foutue! Elle préfèrerait crever qu'on la voit ainsi!

"Laisse-moi ici! Ils m'ont tout pris! Autant qu'ils prennent ce qu'il me reste!" Une vie tragique, une vie de traumatisée! C'est tout ce qu'il lui reste. Enfin ça et ses milliards de dollars, ses nouvelles collections de vêtements et de maquillage ainsi que les hôtels de ses parents. Presque rien, donc.